La science fondamentale : le cœur de l’écosystème de la recherche et de l’innovation en santé

« Nous sommes prêts pour le changement et que nous avons l’occasion d’aller de l’avant. Nous devons tous établir le contact avec nos collègues d’autres secteurs et leur expliquer pourquoi leur soutien et leur défense de la science fondamentale sont plus importants que jamais auparavant. »
—Mme Deborah Gordon-El-Bihbety, Présidente-directrice générale de Recherche Canada

Plusieurs de mes collègues qui plaident en faveur de la recherche en santé m’ont posé la même question au cours des derniers mois : Qu’en est-il de l’engagement du gouvernement envers la recherche? Ce n’est pas parce qu’ils pensent que le gouvernement a abandonné la recherche. C’est plutôt le contraire. Sensibilisé à l’importance de la recherche et de la science et déterminé à utiliser davantage la science dans l’ensemble de ses activités, le gouvernement fédéral actuel sait que la science est le meilleur outil dont nous disposons pour relever les plus grands défis de notre époque. La pandémie a bien fait comprendre aux politiciens de partout dans le monde que c’est grâce à la science que nous avons acquis des connaissances sur le virus de la COVID-19 et trouvé des solutions, comme les vaccins, dont nous avons besoin pour y mettre un frein.

Alors pourquoi toute cette inquiétude? La question que mes collègues se posent réellement est peut-être la suivante : Qu’en est-il de l’engagement du gouvernement envers la recherche fondamentale (la recherche de découverte)?
La source de notre désarroi collectif provient de ce que nous n’entendons pas et de ce qui n’a pas été exprimé explicitement dans le discours du trône, dans les lettres de mandat et dans les propos actuels du gouvernement. Bien sûr, il est question de science et de décisions fondées sur des données probantes, mais l’objectif inébranlable du gouvernement est d’obtenir des résultats par le biais d’une recherche décrite comme étant de la recherche transformative à haut risque/haut rendement. Autrement dit, la recherche axée sur les priorités et non la science fondamentale.

À l’heure où tout le monde parle de l’importance de la science et de la recherche, il semble que tout autre type de recherche qui vise à offrir des solutions pratiques à nos dilemmes les plus pressants – la pandémie et le changement climatique – soit plus attrayant et plus facile à vendre à un public qui a moins de tolérance pour l’incertitude et une plus grande soif de solutions.

Toute la recherche en santé est importante. Personne ne dira le contraire. En fait, c’est même là la question. Toute la recherche en santé est très importante et toute la recherche en santé devait être soutenue.

La science a toujours été menée dans des contextes politiques et les fonds pour la recherche dans bien des pays ont été alloués en fonction du niveau de soutien du public. Les scientifiques ont souvent dû faire valoir leurs travaux auprès des politiciens et de différents publics. À ce stade de notre démarche de plaidoyer en faveur de la recherche en santé, on peut avoir l’impression de tourner encore une fois autour du pot lorsqu’il est question de défendre la science fondamentale, mais si on y réfléchit vraiment, nous n’avons jamais cessé de la défendre, même si tous nos efforts pour en faire une priorité nationale inébranlable n’ont pas donné les résultats escomptés. Même le groupe consultatif Naylor n’a pu y parvenir.

Toutefois, nous ne devons pas nous décourager. Bien que le gouvernement actuel s’intéresse à la recherche, nous ne pouvons pas oublier qu’au sein de la lourde machine gouvernementale le changement se fait généralement lentement. Nous pouvons tirer certaines assurances du fait que la COVID-19 a été le premier test sérieux sur la manière dont la science oriente la prise de décisions des politiciens face à une menace mondiale immédiate. Ce test leur a offert des leçons importantes sur l’interaction entre la science, la société et la politique. Nous pouvons miser là-dessus plus que jamais.

Les collaborations essentielles d’intervenants de la recherche et de l’innovation en santé qui transforment les découvertes en percées innovantes dans les domaines du diagnostic, de la thérapeutique et des traitements ont mené à des partenariats dédiés et à une reconnaissance collective du fait que nous s’agissons plus seuls dans les secteurs et qu’aucune activité dédiée à la R-D n’est indépendante d’une autre. Nous agissons dans le cadre d’un vaste écosystème de la recherche et de l’innovation dans lequel chaque activité, dans chaque secteur, est interdépendante et si une activité est menacée – prenons par exemple la science fondamentale – la recherche appliquée et toutes les activités qui la suivent dans l’écosystème ne peuvent être exécutées. L’innovation cessera.

Nous sommes maintenant dans une position très différente en tant que défenseurs, parce que les scientifiques fondamentaux ne devraient pas être les seuls à s’inquiéter du silence que nous observons actuellement de la part du gouvernement sur la science fondamentale. Toutes les parties prenantes de l’écosystème de la recherche et de l’innovation en santé, qu’il s’agisse de scientifiques appliqués, de propriétaires de petites entreprises de biotechnologie en démarrage, de groupes de patients, de PDG de sociétés biopharmaceutiques ou de fabricants de matériel médical, devraient s’inquiéter et plaider en faveur de la science fondamentale.

Je sais que la lutte pour une hausse des investissements dans la science fondamentale n’apparait pas clairement comme une responsabilité collective offrant des avantages collectifs. Nous sommes encore tous très concentrés sur notre propre rôle et nos propres intérêts au sein de l’écosystème de la recherche et de l’innovation en santé, mais je dirais que nous sommes prêts pour le changement et que nous avons l’occasion d’aller de l’avant. Nous devons tous établir le contact avec nos collègues d’autres secteurs et leur expliquer pourquoi leur soutien et leur défense de la science fondamentale sont plus importants que jamais auparavant.

On a souvent dit que la science fondamentale est au cœur du savoir humain. Mais elle est plus que cela. Elle est au cœur de l’écosystème de la recherche et de l’innovation en santé. Sans elle, nous ne pouvons innover. Sans elle, nous ne pouvons devenir un leader mondial et nous serons finalement laissés pour compte. Luttons pour elle et demandons à tous les partenaires de notre écosystème de se joindre à nous, cette fois, pour mener en force l’une des luttes les plus importantes de notre époque!