Le Parlement devrait reprendre ses travaux le mercredi 23 septembre avec un nouveau discours du Trône qui présentera le plan à long terme du gouvernement du Canada pour la reprise post-COVID-19. Les partis de l’opposition auront l’occasion de voter selon leur confiance dans la capacité du gouvernement à diriger dans cette nouvelle réalité politique. Cela crée beaucoup d’incertitude – quel est le plan de relance de l’économie canadienne? Qu’en est-il du soutien à la recherche sur les maladies et les préoccupations sanitaires autres que la COVID-19? Nous dirigeons-nous rapidement vers une élection fédérale à l’automne? À quelques jours de la lecture du discours du Trône, nous nous sommes entretenus avec une spécialiste des relations gouvernementales, Michelle McLean, pour savoir à quoi nous devrions nous attendre un peu plus tard cette semaine et au cours des prochains mois.
Michelle McLean est directrice générale par intérim, Ottawa, et vice-présidente principale, responsable du secteur national Santé + bien-être, chez Hill + Knowlton Strategies. Avocate d’expérience, professionnelle des affaires publiques et des communications dans les secteurs des entreprises et des organisations à but non lucratif, Michelle est bien connue dans le milieu politique d’Ottawa pour ses conseils stratégiques et son soutien à un vaste éventail de clients dans le domaine du plaidoyer en santé. Elle est bien connue à Recherche Canada, car elle s’est jointe à nous pour partager ses points de vue politiques dans le cadre de webinaires exclusifs aux membres, de réunions de notre conseil d’administration et de notre comité d’engagement politique, et en tant qu’experte dans notre panel de l’AGA 2018, Quoi de neuf en promotion de la recherche en santé? Michelle a également écrit de nombreux blogues dans le cadre des campagnes électorales fédérales Vos candidats, votre santé, de Recherche Canada. Ce fut donc un plaisir de nous rasseoir avec elle et de l’entendre nous faire part de ses réflexions.
RECHERCHE CANADA : La question que tout le monde se pose, comme vous devez bien le savoir : Aurons-nous une élection à l’automne?
MICHELLE MCLEAN : Tous les partis politiques sont prêts pour une élection; cependant, nous ne savons pas si les libéraux forceront la main des néo-démocrates avec leur discours du Trône. Il y a un certain nombre d’éléments à prendre en compte, et la sécurité des Canadiens en cas de deuxième vague de COVID-19 n’est pas le moindre. Une chose est sûre, c’est qu’il y aura une élection dans le courant de la prochaine année, si ce n’est pas à l’automne, ce sera au printemps prochain. Tous les partis sont en mode campagne électorale.
RECHERCHE CANADA : Selon vous, quel sera le thème principal du prochain discours du Trône du gouvernement?
MICHELLE : Les libéraux vont présenter une vision pour la période de reprise. Ils ont repris une expression utilisée dans l’élection américaine : reconstruire en mieux. Le discours du Trône est autant destiné à plaire au public qu’à présenter le programme du gouvernement et ses priorités pour la prochaine législature. Il sera donc – et cela ne fait aucun doute – la plateforme électorale des libéraux. On s’attend à ce que les libéraux présentent un programme progressiste axé sur des questions importantes pour les électeurs, telles que l’économie; les programmes d’aide sociale, comme un revenu de base universel; des modifications aux soins de longue durée; et peut-être des mesures sur la façon de verdir l’économie. Le discours n’entrera pas dans les détails, laissant cela à la mise à jour économique de l’automne et au prochain budget. Je pense que le discours du Trône mettra en évidence certains points forts du Canada pendant la pandémie et qu’il soulignera l’importante contribution du milieu de la recherche pour aplatir notre courbe et fournir aux Canadiens les renseignements factuels dont ils avaient besoin pour se protéger. Il identifiera également les points sur lesquels nous devons apporter des corrections pour la suite des choses et ce sera là la base des nouvelles propositions des libéraux.
RECHERCHE CANADA : Selon vous, quel rôle le gouvernement considère-t-il que l’entreprise de recherche en santé et l’écosystème de l’innovation en santé peuvent jouer dans la phase de rétablissement de la COVID-19?
MICHELLE : Le gouvernement reconnaît que la communauté scientifique joue un rôle essentiel dans le rétablissement de ce virus. Toutefois, le gouvernement prête attention à de nombreux secteurs et à bien des questions. C’est pourquoi il sera important que le milieu de la recherche en santé et les acteurs de l’innovation en santé continuent à lui rappeler le rôle de la recherche et de l’innovation pour surmonter la pandémie et, vraiment important, le rôle que joue le secteur pour répondre aux préoccupations sanitaires actuelles, comme les maladies chroniques. Ne présumez pas que les élus savent précisément ce que vous faites et comment vous le faites. Ils ne le savent probablement pas. Vous ne pouvez pas supposer que ce que vous avez dit à leurs prédécesseurs ou même ce que vous leur avez dit à eux il y a quelque temps a été pris en compte et que vous pouvez maintenant tirer parti des efforts de sensibilisation passés. Il est important de répéter son message, surtout dans des périodes comme celle-ci, où le gouvernement doit traiter de questions courantes, urgentes et pressantes. Rappelez qui vous êtes, ce que vous avez réalisé, et comment vous pouvez aider le gouvernement à aller de l’avant dans la phase de rétablissement.
RECHERCHE CANADA : La pandémie nous a montré que la science fondamentale est essentielle, qu’elle nous prépare à réagir à de graves menaces sanitaires, tout en nous apportant sécurité et espoir devant l’inconnu, en plus d’offrir un rendement économique. Le Canada est encore à la traîne de l’OCDE pour ce qui est des dépenses de R et D en pourcentage du PIB. Comment nous positionner au mieux, en tant que secteur en phase de reprise, pour convaincre le gouvernement que le Canada doit accroître ses investissements dans les sciences fondamentales si nous voulons relever les défis sanitaires qui menacent notre sécurité économique, retirer les bénéfices de la recherche et être concurrentiels sur la scène mondiale en tant que chef de file en matière d’innovation?
MICHELLE : Il est peu probable que le gouvernement traite de la science fondamentale dans son discours du Trône. Il le fera probablement dans le prochain budget. En ce moment, les politiciens sont en mode campagne électorale et se concentrent sur les préoccupations des électeurs. Cela ne veut pas dire que le gouvernement ne planifie pas sa reprise, mais encore une fois, il se concentre sur l’appel aux électeurs avec un plan de haut niveau, qui sera probablement sa plateforme électorale. Si le gouvernement poursuit son mandat et qu’il n’y a pas d’élection à l’automne, ce sera le bon moment pour le milieu de la recherche en santé d’insister sur le rôle important que la science fondamentale a joué dans notre réponse à la pandémie et le rôle important qu’elle continuera à jouer dans la période de rétablissement.
RECHERCHE CANADA : La COVID-19 a légitimement empiété sur notre programme national de recherche et les dirigeants des universités et des organismes de bienfaisance en santé ont exprimé leurs inquiétudes quant au fait que d’autres recherches, comme celles sur les maladies chroniques, ne progressent pas. Croyez-vous que le gouvernement reviendra à un programme de recherche plus équilibré dans la phase de rétablissement?
MICHELLE : Le gouvernement reconnaît de plus en plus le problème et il sera important de continuer à le lui rappeler dans les mois à venir. La période actuelle en est une d’incertitude, avec la possibilité d’une deuxième vague, ce qui amène le gouvernement à être prudent et sélectif dans les questions qu’il peut traiter.
RECHERCHE CANADA : La pandémie de la COVID-19 a révélé que la plupart des recherches sur la santé en contact avec les patients se déroulent dans des hôpitaux de recherche, tout comme c’est le cas pour la plupart des partenariats entre les universités et l’industrie dans le domaine de la recherche en santé. Pourtant, l’avenir de ces centres universitaires est menacé en raison de la suspension des travaux en cours avant la COVID-19 pour recentrer les capacités sur la COVID-19. Le gouvernement est-il prêt à reconnaître le rôle unique de ce secteur dans l’écosystème de l’innovation en santé, par exemple en subventionnant et en soutenant directement les centres universitaires de sciences de la santé?
MICHELLE : C’est une question tellement importante et je suis encouragée par l’approche constructive et coopérative que les gouvernements fédéral et provinciaux ont adoptée pour répondre à la pandémie. Ils constatent que le public soutient davantage leurs efforts lorsqu’ils travaillent ensemble, surtout en temps de crise. Les Canadiens accordent une grande importance à leurs soins de santé et lorsque notre santé est menacée, ils s’attendent à ce que leurs élus enterrent la hache de guerre et qu’ils trouvent des solutions pour les Canadiens. Cette nouvelle approche des relations fédérales et provinciales peut être mise à profit lorsqu’il est question des hôpitaux de recherche et du soutien dont ils auront besoin pendant la période de reprise et au-delà.
RECHERCHE CANADA : Les étudiants de cycles supérieurs, les stagiaires et les boursiers postdoctoraux font partie intégrante de la main-d’œuvre de recherche et sont essentiels au développement du personnel hautement qualifié nécessaire à l’économie du savoir du Canada et, dans le cas des boursiers postdoctoraux, essentiels au soutien de projets de recherche de haut niveau. Les scientifiques en début de carrière essuient des déboires importants dans leurs programmes de recherche en raison des mesures de la COVID-19. L’engagement du gouvernement fédéral envers les étudiants en 2019 a été bien accueilli, mais il ne répondait pas aux recommandations de l’Examen du soutien fédéral aux sciences pour ce groupe. À votre avis, quelle est la probabilité que le gouvernement, dans son budget de 2021, augmente le soutien à la prochaine génération de chercheurs canadiens pour s’assurer qu’ils tiennent le coup et qu’ils s’épanouissent dans le Canada post-pandémique?
MICHELLE : Cette question aussi est très importante et le gouvernement a montré son appui à cette nouvelle génération dans son dernier budget. L’avenir de notre entreprise scientifique dépend du renforcement de notre personnel de recherche. Je pense que c’est un message qui résonnera et qui recevra l’appui des champions de la recherche, comme la conseillère scientifique en chef. Il sera important que la communauté engage la Dre Nemer comme son ambassadrice au sein du gouvernement, afin qu’elle plaide en faveur de l’avenir de l’écosystème de la recherche et de l’innovation en santé dans ce pays. En l’absence d’un ministre des Sciences au sein du cabinet pour faire valoir vos points de vue, vous devez avoir d’autres champions au sein du gouvernement et la Dre Nemer peut certainement jouer un rôle très important.
RECHERCHE CANADA : La pandémie a mis en évidence le pouvoir des données et des outils numériques pour protéger les Canadiens et cibler les ressources limitées en soins de santé. Elle a également mis en évidence le travail qu’il reste à faire et qui s’impose, notamment sur le plan de la collecte de données harmonisées. Pour améliorer les résultats en santé pour les patients, assurer la viabilité du système de santé et promouvoir la recherche et l’innovation – le fondement d’une économie plus forte – il est essentiel d’adopter de nouvelles politiques qui permettent la collecte, le partage et l’analyse des données et favorisent l’acceptation et l’adoption de technologies numériques innovantes. Nous avons besoin d’un leadership national sur ce front. Quelle est la probabilité que le gouvernement fédéral relève ce défi numérique au cours de la prochaine législature?
MICHELLE : Je pense que les solutions numériques sont devenues essentielles pendant cette pandémie et que nous ne reviendrons pas aux anciens modes de prestation des soins de santé lorsque tout cela sera terminé. Nous irons de l’avant et je crois qu’il y aura davantage de discussion sur le soutien du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux par le biais du Transfert canadien en matière de santé. Le premier ministre a fait savoir qu’il était prêt à s’asseoir avec ses homologues, à les écouter et à avoir un dialogue constructif sur les soins de santé dans un proche avenir. Je ne crois pas qu’Ottawa se contentera de transférer des fonds. Je pense plutôt que le gouvernement fédéral voudra déterminer les types de changements qu’il souhaite voir dans les soins de longue durée et la santé publique, par exemple. Je m’attends à ce que les solutions numériques en matière de soins de santé fassent partie de cette discussion.
RECHERCHE CANADA : Un vaccin efficace est l’outil le plus puissant pour atténuer la menace de pandémie de COVID-19. Notre capacité à développer des vaccins et des traitements dépend du plein soutien au secteur de la santé et des biosciences. Le rapport de 2018 de la Table sectorielle de stratégies économiques – les sciences biologiques et la santé est la feuille de route pour assurer l’avenir de ce secteur au Canada et pour qu’il double sa taille pour atteindre 26 milliards de dollars en exportations annuelles. Il y a actuellement une excellente occasion de soutenir notre industrie canadienne, de veiller à ce que les Canadiens ne soient pas laissés pour compte dans la ruée mondiale vers un vaccin contre la COVID-19, et pourtant le gouvernement n’a pas pris de mesures significatives pour mettre en œuvre les recommandations de ce rapport. Avez-vous une idée des raisons de cette inaction et de ce qui, selon vous, constitue notre meilleur atout pour convaincre le gouvernement d’agir?
MICHELLE : La COVID-19 change indéniablement la perception du gouvernement quant au rôle important que joue le secteur de la santé et des sciences biologiques dans le développement de nouveaux médicaments et vaccins en temps de crise sanitaire. On ne peut pas présenter ces industries, et particulièrement les industries biopharmaceutiques, sous un jour négatif lorsqu’elles prennent les devants et contribuent à l’effort visant à stopper ce virus dans sa course. Les entreprises biopharmaceutiques sont plutôt un atout et une ressource dont nous ne pouvons nous passer. Le vaccin contre ce virus ne sera pas développé dans notre pays. Le gouvernement doit se poser les questions suivantes : Où sont les emplois canadiens dans ce domaine? Où est l’accès des Canadiens à des traitements vitaux? Il jugera peut-être important de renforcer notre secteur de la santé et des sciences biologiques pour que nous puissions compter sur notre propre industrie canadienne la prochaine fois? Plus près de chez soi en cas de crise, c’est toujours plus rassurant!